DSC05989

Mont Saint-Michel en Normandie

Le rocher merveilleux n’est pas sorti de terre comme par miracle. C’est pour cela que je veux rappeler les bases avant de raconter mon expérience. Je ne vais pas non plus trop rentrer dans les détails. Il y a eu beaucoup de passages. Et puis son appartenance jonglant entre la Bretagne et la Normandie n’est pas facile à suivre.

Tout d’abord, son nom « le Mont Saint-Michel » est une commune située dans le département de la Manche en Normandie et s’appelle de cette façon car son ilot est consacré à Saint-Michel. « Pourquoi et qui est-il ? ». A la base, il était appelé Mont Tombe mais finalement il sera destiné à l’archange Saint-Michel à partir de 709 suite à un oratoire en son honneur. Sa statue trône à 157,10 mètres au sommet. Il est le chef de la milice céleste des anges du bien. Ne m’en demandez pas plus. Aubert, évêque d’Avranches y construit une première église. Le Mont Saint-Michel au péril de la mer selon les clercs du Moyen-âge, c’est la baie, l’ilot et l’abbaye. Le rocher ne représente qu’une petite partie de la commune qui s’étend sur plusieurs dizaines d’hectares de la digue. Si je vous dis que c’est un des 10 sites les plus touristiques de France et le passage des plus grandes marées d’Europe, je ne vous apprends rien.

« Bretagne ou Normandie ? ». Attention, cours d’histoire. En 867, le traité de Compiègne attribua le Cotentin et l’Avranchin au roi de Bretagne Salomon. Ils ne font pas partie de la Normandie du chef viking Rollon. Le mont Saint-Michel restait breton. Guillaume 1er de Normandie récupéra l’Avranchin. Des bénédictins s’y installèrent en 966 à sa demande. Dans la chapelle Saint-Martin sont inhumés les ducs de Bretagne. En 1009, le duc de Normandie contrôle l’abbaye initialement appelée l’abbaye des ducs de Bretagne. Le duc Richard II de Normandie repousse un peu la mince frontière avec la Bretagne vers 1030. Son rattachement à la Normandie est certifié quelques années plus tard. Une légende dit que si le lien est avéré, c’est parce que le Couesnon entourant le mont et se jetant dans la Manche a débouché à l’ouest du mont lors de ses fréquentes divagations. Il a donc franchi la frontière qu’est le Couesnon. Il faut donc nager pour la toucher. Le lieu aura été breton de 867 à 1009 pendant le Moyen-âge.

Il a tour à tour abrité l’empire de Charlemagne en tant que Saint-Protecteur, vu se construire la collégiale et observé l’élévation de l’abbaye d’abord occupée par une communauté de moines au XIème siècle. A ce moment-là, l’église fut fondée et les bâtiments se sont agrandis au fil du temps. En 1204, une armée bretonne met le feu au village. Il y a des dégâts jusqu’à l’abbaye. Pour racheter la faute des siens, le roi Philippe Auguste fait une donation pour la reconstruction. Ils en font une merveille gothique. Au XIVème siècle et XVème siècle, la guerre de 100 ans les force à protéger le site par un ensemble de constructions militaires qui resteront 30 ans. Le mont fut aussi un célèbre lieu de pèlerinage pendant près de 1000 ans et une prison sous la Révolution.

Plus récemment, depuis le XIXème siècle, il a inspiré de nombreux auteurs et peintres tel que Guy de Maupassant. Aussi, des hôtels s’installent, c’est le début de sa fonction touristique. Le village est présent dès le Moyen-âge au sud-est du rocher, derrière les murailles installées pendant la guerre. Aujourd’hui, les frères et sœurs des fraternités monastiques de Jérusalem occupent l’abbaye depuis 2001 à l’abri de tous. En 2015, la commune avait une population villageoise de 33 habitants, les montois. Le record est de 1182 en 1851. En 1954, ils étaient 268. Un autre chiffre : 61 maisons classées au titre des monuments historiques.

Plus terre-à-terre, depuis le 22 Juillet 2014, on y accède différemment. On doit marcher 50 minutes en partant du nouveau parking ou prendre une navette qui ne fait qu’une partie du chemin, Dans tous les cas, marcher. Nous voici en marche direction ce lieu chargé d’histoire. Je n’étais pas allé depuis mes 10 ans. J’avais surtout en tête les boutiques de souvenirs. Pas la peine d’en acheter pour s’en rappeler. N ne l’avait jamais vu. Finalement, toujours trop de boutiques mais beaucoup plus joli que ce que je me souvenais. Il faudra patienter pour le voir et anticiper la distance en partant en avance. Le but est de trouver le parking où on peut prendre la navette. Ce sera tout autre.

On croise des gens semblant l’attendre, on se gare en vitesse, on l’attrape en vol. Mais pas assez de monnaie et pas d’appareil à carte. On se fait virer. Ce n’est pas la navette gratuite du mont mais ça nous aurait bien arranger de pouvoir y rentrer. On devra marcher deux longs kilomètres pour la rejoindre. Beaucoup plus touristique, beaucoup plus de monde. On a trouvé l’organisation mal au point. On attendra longtemps à une navette qui ne part pas pour en voir une autre arrivée après qui partira plus tôt. Interdiction de sortir du rang sous peine de se faire gueuler dessus. Accueil pas très chaleureux. Je ne suis pas étonnée du mécontentement que subit actuellement le mont. Je ne sais pas comment était l’accès avant 2014 mais forcément meilleur. Apparemment, les tarifs du parking ont beaucoup augmenté. On ne peut pas en juger car on s’est garé plus haut. Pendant notre balade avant d’embarquer, on pensait ne jamais y arriver. On avançait mais elle paraissait toujours aussi éloignée. Elle ne grossissait pas. Sensation étrange comme dans un film d’horreur où le temps est stoppé.

11h : on semble être arrivé pile à l’heure, la marée file droit sur nous. Ce n’est pas le moment de quitter la passerelle. On se trouve devant la merveille et elle est vraiment magnifique. Je l’examine en détails. Ca donne envie d’aller s’y faufiler. Le problème, c’est qu’encore une fois, on n’est pas les seuls à avoir eu cette bonne idée et que les rues sont trop étroites pour nous tous. C’est typiquement le genre de lieu paisible et agréable qu’à condition d’être seuls, rien que tous les deux, N et moi. Je me sens vite oppressée. On entre par le village et plus précisément par une porte charretière puis par une porte piétonne. Le vasque en forme de coquille Saint-Jacques servait autrefois à se désaltérer. Au fond de la cour se trouve la porte du lion et vous croiserez l’hôtel-restaurant de la Mère Poulard.

Elle est omniprésente la mémère Poulard. Aujourd’hui, ça aurait cette connotation. Annette Boutiaut était une cuisinière française née en 1851 et morte à Nevers en 1931 au Mont Saint-Michel. Femme de chambre, son employeur a participé à la restauration de l’abbaye. Il l’a emmenée avec lui. Annette adore la Normandie, y passe assez de temps pour rencontrer le fils du boulanger : Victor Poulard. Il y a 130 ans, en 1888, le couple gère dans un premier temps « l’hostellerie de la tète d’or », à la place de l’actuel bureau de Poste. Quand je pense à ma grand-mère née en 1914 et mon grand-père né en 1917, je me dis que cette romanesque histoire date de pas si longtemps que ça. Les visiteurs dépendants de la marée ne sont pas nombreux. Ils arrivent selon les vagues à n’importe quelle heure de la journée. Il faut du temps pour préparer à l’improviste, alors Annette a l’idée d’offrir une omelette faite de ses mains. Cela permet de patienter en attendant le plat principal. L’affaire reprend.

Ils prennent ensuite possession de l’hôtel du lion d’or mais le renomment « A l’omelette renommée de la mère Poulard » pour ensuite devenir « A la renommée de l’omelette soufflée ». Son adresse : Grande rue – BP 18 50170 Mont Saint-Michel. Selon les dires, on ne peut plus s’y rendre sans goûter l’omelette désormais en unique plat principal. On a un plus petit appetit. A leur retraite, ils font construire une maison en hauteur. Ils sont tous les deux enterrés dans le petit cimetière du mont. J’ai dit qu’elle était omniprésente car en plus de son établissement, il y a 10000 boutiques à son effigie. La mère Poulard sous toutes ses formes : en tablier, en rond de serviette, en sac. C’est devenu une affaire marketing. Si Annette voyait ça. Bel hommage. Elle doit être bonne et copieuse cette omelette. Mais nous, on était dégoutés des soi-disant cafards. Authentique ambiance médiévale de ses débuts. Le lieu est tout de même réputé pour son très mauvais rapport qualité-prix de sa restauration.

On passe devant puis on s’aventure dans les sentiers à sens unique pires qu’à Montmartre. Nous croisons à notre grand étonnement un camion-poubelles. « Mais comment fait-il ? ». On suit la foule et on commence à monter sans vouloir aller jusqu’en haut. Finalement, la curiosité l’emporte, on se dit qu’on est presque rendu à l’abbaye et que c’est la seule chose à faire. Visite très intéressante et pittoresque. Envie de franchir les portes interdites et de voir ce qui se cache derrière. « Comment sont les chambres ? », « Est-ce un labyrinthe ou une fourmilière ? ». Ce que j’ai préféré, c’est le village entre les murailles, face à la mer. Ca s’appelle le chemin de la ronde. Envie d’y rester des heures. Ce qui m’intéresse, c’est la vie quotidienne et non la vie religieuse, c’est pour cela que j’accorde plus d’importance au village et ses maisons superposées qu’à l’abbaye. J’aurais tellement aimé visiter une de ses 61 merveilles.

Magnifique havre de paix qui devait être encore mieux à l’époque de la Mère Poulard. Un cadre paradisiaque où on a envie de poser ses valises après avoir viré tout le monde. Peut-être que la solution est d’arriver à l’aube à pied ou tard le soir. « Comment faisaient-ils lorsque le parking était à proximité ? », « Quels sont les horaires d’ouverture ? », « Est-on obligé de réserver une nuit à l’hôtel d’Annette ? ». Derniers secrets du mont à découvrir.